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22.11.07

artigo sobre monkey trial no Libre Belgique

A Beyrouth, un festival pour respirer un peu
Émilie Sueur

Mis en ligne le 19/11/2007
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Le festival contemporain dirigé par Frie Leysen se donne dans neuf villes arabes.
Reportage à Beyrouth, un des points d'accroche de ce festival hors du commun.

Correspondant à Beyrouth

Une bulle d'oxygène. Voilà ce qu'aura apporté à Beyrouth la 5e édition du festival artistique contemporain Meeting Points. Depuis le 1er novembre, des dizaines d'artistes arabes et européens parcourent le Proche et Moyen Orient. Neuf villes arabes, ainsi que Bruxelles et Berlin, sont au programme de cette tournée. Depuis le 13 novembre, c'est dans la capitale libanaise que ces artistes devenus nomades par les bons soins de la commissaire du festival, Frie Leysen, ont posé leur valise

Au programme : de la danse, avec entre autres la Marocaine Bouchra Ouizguen et la Belge Anne Teresa de Keersmaeker, du théâtre avec notamment l'Iranien Amir Reza Koohestani ou la troupe belge Tg Stan, mais aussi des installations vidéo et des expositions de photographies. "Ce festival apporte de la force et de la qualité à la scène culturelle libanaise", souligne Christine Tohmé, directrice de Ashkal Alwan, une association libanaise dédiée aux arts plastiques, hôte de Meeting Points à Beyrouth. Et le public, en grande majorité des jeunes, est au rendez-vous. "Le public beyrouthin est très engagé, très présent. Nous pouvons donc nous permettre de l'emmener hors des sentiers battus, de lui donner l'occasion d'accéder à des oeuvres nouvelles, différentes", souligne la jeune femme. Le public est d'autant plus présent qu'en raison des guerres et crises vécues par le Liban ces derniers mois, de nombreux artistes étrangers renoncent à se produire à Beyrouth.

"Le Liban au bord de la dépression. Moi-même, je ne lis plus les journaux. Dans ce contexte, les gens viennent ici pour respirer un peu, pour tenter d'oublier la crise actuelle", explique Christine. Depuis deux mois, les Libanais observent avec angoisse leurs dirigeants se déchirer autour de l'élection difficile voire hypothétique d'un nouveau président. "Il y a quelque chose de fou ici, d'extraordinaire. Beyrouth porte toujours les marques de la guerre, mais en même temps nous ressentons une véritable explosion d'idées ici, une explosion de vie", note Franck Vercruyssen, comédien au sein de la troupe Tg Stan. "Il semble que les Libanais aient dépassé la peur. Une forme d'hédonisme plane sur le pays. Hier, je discutais avec un professeur de musique qui m'expliquait calmement que dans l'immeuble à côté de chez lui, on torturait des gens il y a quelques années. Quelle réplique !", ajoute-t-il.

Femme seule = prostituée

"Nous savons que le danger est présent. Mais les Libanais parviennent à rétablir une forme de normalité malgré la crise", renchérit Tiago Rodrigues, son camarade de scène. Tiago est d'autant plus au courant du contexte libanais qu'il a travaillé avec Rabih Mroué, metteur en scène et comédien libanais dont la dernière pièce, traitant de la guerre civile libanaise, fut dans le collimateur de la censure. Grâce à l'intervention du Premier ministre libanais et du ministre de la culture, la pièce a pu être jouée. "Un Premier ministre et un ministre de la culture qui se battent pour une pièce de théâtre, nous sommes tout de même dans une dimension intéressante, là !", ajoute Tiago.

Ici, réside peut-être une différence entre la manière dont l'Occident et l'Orient abordent l'art. "En Europe, on s'intéresse surtout aux acteurs, à leur jeu. Ici, les débats portent sur le contenu, sur le fond", souligne Franck. Un point que Tg Stan a d'ailleurs touché du doigt. Beyrouth est en effet la seule ville, avec Damas, où la troupe a pu jouer la pièce "The monkey trial". Cette pièce reprend un procès qui s'est déroulé en 1925 aux Etats-Unis. Le procès opposait un professeur de biologie défendant les thèses évolutionnistes, aux apôtres de la vision biblique de la création de l'homme. Un sujet qui touche la religion, un sujet nécessairement sensible dans la région. Mais à Beyrouth un petit air de liberté souffle toujours, malgré tout...

Au-delà des oeuvres elles-mêmes, la logistique du festival est un chantier non seulement colossal mais aussi révélateur des travers du monde arabe. "L'un des principaux problèmes de cette région est le manque de mobilité, le manque de réseaux artistiques. Ce phénomène n'est d'ailleurs que le reflet de l'extrême fragmentation de la scène politique régionale. Un festival tel que Meeting Points nous renvoie crûment cette réalité", souligne Christine. Ainsi, une chorégraphe marocaine n'a pu obtenir de visas pour certains pays de la région, ces derniers considérant qu'une Marocaine voyageant seule risque d'être une prostituée... "Cette région est minée par les frontières, géographiques et mentales. Beyrouth en est un triste résumé. D'un côté, nous avons les chiites du Hezbollah, de l'autre les phalangistes chrétiens. Et entre les deux, une multitude d'obstacles. Le tout dans un même et si petit pays", explique Christine. "Avec Meeting Points, nous essayons de surmonter cela, de pousser les lois, de nous glisser dans les failles, assure-t-elle. Nous voulons faire bouger les choses."